C’est avec un grand plaisir que je vous partage un lien pour un article que j’ai copublié présentant un nouveau modèle mécanobiologique conceptualisant l’influence des rythmes sur le système fascial et l’interstitium. Se fondant sur les découvertes récentes de la mécanosensibilité cellulaire, un certain nombre d’études abordent l’évolution des tissus hépatiques vers la fibrose au cours d’un certain nombre de pathologies en analysent leurs conséquences sur les structures matricielles aussi bien que l’altération des propriétés mécaniques du foie. Elles montrent les interactions complexes entre les facteurs biologiques et les forces mécaniques au sein de cet organe et fournissent un nouveau cadre théorique mécanobiologique pour l’explication des phénomènes biomécaniques perçus par les praticiens manuels.
Diaphragme et rythme ventilatoire
Leurs travaux effectués aussi bien sur les tissus parenchymateux que sur le fascia spécifique du foie, la capsule de Glisson, apportent un éclairage nouveau sur l’évolution physiopathologique d’un organe dont les cellules, confrontées à des conditions altérées, transforment leur environnement matriciel. Or, en raison de la relation anatomique intime entre le foie et le diaphragme participant à la rythmicité ventilatoire aussi bien que locomotrice, l’augmentation de la rigidité de cet organe volumineux va s’imprimer dans la dynamique de la trame myofasciale. Si ces altérations tissulaires perdurent, nos cellules constructrices de la matrice extracellulaire, les fibroblastes, vont modifier les lignes de collagènes pour adapter les tissus aux nouvelles conditions mécaniques. Bien évidemment, si notre proposition de modèle est centrée sur le foie, en raison de l’attention toute particulière que lui accordent les chercheurs, les interactions mécanobiologiques cellules/matrice peuvent siéger au sein d’autres organes ou structures anatomiques avec des conséquences biomécaniques chacune spécifique.
Rythmes et morphogenèse
Par ailleurs, la dimension temporelle est également essentielle puisque si les conditions mécaniques rythmiques sont altérées intra-utéro, lors de l’accouchement ou dans la prime enfance, elles vont conditionner la croissance osseuse, principalement en cas d’ossification enchondrale, et fasciale s’inscrivant dans la structure du futur adulte. Lorsqu’elles interviennent plus tardivement, même si elles s’impriment moins structurellement, elles vont néanmoins constituer la source de tensions nécessitant des adaptations de la posture et des stratégies ventilatoires et locomotrices, à l’origine de tensions et d’adaptations myofasciales. Localement, les concentrations de contraintes consécutives, stimulant exagérément les mécanorécepteurs, seront la cause des douleurs ressenties et perçues par les patients fondant le plus souvent leurs plaintes.
Comprendre les rythmes pour lire les corps
Cliniquement, cette conception spatio-temporelle du système myofascial constitue ainsi un véritable mode d’emploi permettant de lire l’histoire mécanique du corps. Sa prise en compte dans l’analyse clinique du patient permettra ainsi d’en appréhender les enjeux et de proposer des stratégies intégratives complexes où les effets des forces mécaniques se mêleront aux données biologiques. Elle prend dès lors sa place dans une prise en charge multidisciplinaire où l’ensemble des praticiens dialogueront, chacun avec leurs point de vue spécifique, pour offrir au patient des perspectives thérapeutiques répondant à son attente immédiate et au long cours !