7ème Congrès International de Recherche Fasciale – Nouvelle Orléans Août 2025

Auteurs :
Patrick Petit, Ostéopathe
Christophe Chiquet, Ostéopathe

Comme tous les trois ans depuis le premier congrès de Boston en 2007, s’est tenu du 10 au 14 août 2025 à la Nouvelle Orléans, le 7ème Congrès International de Recherche sur le Fascia organisé par la Fascia Research Society. Rendez-vous mondial des grands noms de la recherche dans ce domaine en pleine effervescence qu’est le système fascial, il est l’occasion de faire un tour d’horizon des connaissances, des avancées et des nouvelles connexions que fait naître cette véritable révolution anatomique. Il est également, et peut-être surtout, l’occasion de mêler chercheurs, cliniciens mais aussi tous les professionnels du corps et du mouvement. Ainsi, thérapeutes manuels, médecins, praticiens somatiques mais également artistes croisent leurs approches autour de cette nouvelle réalité fasciale faisant émerger de nouvelles perspectives toujours plus surprenantes.

L’organisation du congrès s’est articulée autour de plusieurs types de communications :
Les conférences plénières consacrées à la recherche fondamentale dans les différentes disciplines (anatomie, neurologie, biologie, physiologie…) qui s’intéressent désormais au système fascial.
Des sessions dédiées aux approches thérapeutiques et cliniques, plus applicatives, animées par des praticiens de terrain travaillant à partir de ces connaissances scientifiques nouvelles.
Des sessions et ateliers pratiques dirigés par des praticiens explorant l’intérêt majeur du système fascial dans le mouvement et la performance.
Des plateformes de connexion et d’échange afin de faciliter la communication entre chercheurs et praticiens, afin de stimuler la curiosité et la créativité pour qu’éclosent de nouvelles perspectives et se mettent en place des collaborations.

Elles ont permis d’approfondir les concepts fondamentaux de l’anatomie, de la biologie et de physiologie du système fascial ainsi que ses multiples rôles dans la santé et la maladie.
Robert Schleip a inauguré cette série de communications en présentant une exploration du fascia comme interface neuro-immunitaire, impliquant les émotions, la régulation autonome et la modulation de la douleur.
Carla Stecco a ensuite abordé les altérations spécifiques du fascia superficiel dans le lipœdème avant que Keith Baar développe une approche de l’optimisation du tissu conjonctif par l’exercice et la nutrition et Antonio Stecco la biomécanique du système fascial. Mark Driscoll s’est focalisé sur le rôle du fascia dans la biomécanique et la santé de la colonne vertébrale en allant « au-delà des muscles et des os ».
– Développant une approche neurofasciale, Werner Klinger nous a proposé une présentation des « Fascias et leurs relations avec les Enzymes et les Neurotransmetteurs », Gil Hedley a mis en lumière le nerf vague dans son contexte fascial que Stephen Porges a élargi avec des perspectives sur la régulation autonome et les voies de connexion dans une approche polyvagale.
– Lors de son intervention, Hélène Langevin nous a partagé ses convictions sur l’avenir et les moyens à mettre en œuvre pour faire progresser la recherche sur les fascias.
Ne manquait que Neil Theise, spécialiste de l’interstitium, qui n’a pas pu participer à ce grand rassemblement.

La recherche sur la biologie du système fascial a continué de progresser, avec des études sur la caractérisation de la matrice extracellulaire (Claudia Clair, Caterina Fede, Carla Stecco).

Sur le plan expérimental, Luiz Carlos Slutzky, Graal Diaz, John Sharkey, Cathy Kim nous ont présenté leurs travaux sur l’influence du fascia sur le vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB). Le fascia thoracolombaire a donné lieu à deux communications d’Émilie Davignon et Mark Driscoll de leurs modèles pour sa caractérisation biomécanique et de Mark Discoll, Siril Teja Dukkipati pour l’exploration de son influence sur la rigidité de la colonne vertébrale.

Les applications cliniques et les techniques thérapeutiques impliquant le système fascial et visant à améliorer la santé et la fonction ont fait l’objet d’un certain nombre de communications.

• Les techniques manuelles et la rééducation
Beth Beauchamp nous a partagé ses approches pour l’évaluation et le traitement des cicatrices chirurgicales ont été partagées et Michaela Liedler, Daniela Gosch-Maier leurs méthodes pour les cicatrices post-chirurgicales et les adhérences fasciales et péritonéales.
– Avec Linda-Anne Kahn, les participants ont pu explorer la libération myofasciale et le drainage lymphatique manuel pour traiter l’inflammation. Isabelle Bertrand, Cyril Dupuis, Bruno Pereira, Celine Lambert, Christian Courraud nous ont focalisé sur la gestion de la douleur chronique a avec des études sur la fasciathérapie pour la lombalgie chronique.
Federico Giordani, Hannes Muller Ehrenberg, Carla Stecco, Richard Stange ont discuté de l’efficacité de la thérapie par les ondes de choc focalisées sur le tissu myofascial, les deux premiers proposant égalementleur utilisation dans le diagnostic du syndrome de douleur myofasciale.
– La pratique du « dry needling » (aiguille sèches) a été évoqué par Masahiro Takakura pour son utilisation sur les points gâchettes et par Jocelyn W. Cowie qui pratique le PALM (Palpation, Acupression et Massage Lymphatique) sur l’inflammation et le soulagement de la douleur.
Werner Klingler a présenté l’intérêt de la prise en compte du système fascial en oncologie.
Kate Strozak, Carolyne Anthony ont abordé son intérêt dans la rééducation et la réduction des diastasis recti et des dysfonctionnements du plancher pelvien et Laura Bergmann nous a partagé son approche fasciale pour la récupération post-mastectomie et post-partum.
Fabiana Silva a développé les interactions entre les fascias et le nerf vague alors que Robert Cohen nous a présenté des techniques palpatoires des couches fasciales thoraciques et Sue Hitzmann, Christopher Gordon des approches thérapeutiques par vibration et cisaillement.

• L’hydrorelease et les thérapies Infiltratives
Un accent particulier a été mis sur la technique d’hydrorelease, techniques qui consiste à injecter un fluide aqueux sous guidage échographique pour séparer les plans fasciaux et libérer les adhérences et les tissus cicatriciels. Plusieurs approches ont été évoquées :
– Comme traitement sur des troubles neurologiques périphériques par injection lors d’une atteinte du nerf péronier commun par l’équipe composée de Rikiya Itagaki, Kousuke Shiwaku, Hidenori Otsubo, Tomoaki Kamiya, Hiroyuki Takashima, Gakuto Nakao, Carla Stecco, Atsushi Teramoto.
– Une seconde équipe avec Kousuke Shiwaku, Hidenori Otsubo, Daisuke Suzuki, Carmelo Pirri, Taiki Kodesho, Tomoaki Kamiya, Keigo Taniguchi, Atsushi Teramoto, Carla Stecco pour une étude biomécanique cadavérique de l’intérêt de l’hydrorelease sur les fasciae par injection de solution saline entre les couches fasciales.
Daiki Nishikawa, Kousuke Shiwaku, Hidenori Otsubo, Rikiya Itagaki, Hiroyuki Takashima, Gakuto Nakao, Tomoaki Kamiya, Carla Stecco, Atsushi Teramoto ont présenté l’intérêt de l’hydrorelease pour la douleur résiduelle après une lésion des ischio-jambiers, utilisant un traitement diagnostique guidé par échographie avec injection de solution saline.

• L’imagerie et l’évaluation dédiée au système fascial
– L’équipe de Georgina Flynn-Smith, Alicia Roldan, Julianne Wood, Per Gunnar Brolinson, David Redden, Albert Kozar et Vincent Wang pour l’utilisation de l’échographie multimodale et de la radiomique (radiomics : permet une analyse qualitative et quantitative ultraperformante, consistant en l’extraction à haut débit de données numériques d’imagerie médicale afin d’obtenir des informations prédictives et/ou pronostiques) dans les changements du fascia thoracolombaire.
– Celle de Jeanette Henkelmann, Anna Völker, Hanno Steinke, Christoph-Eckhard Heyde et Timm Denecke a étudié l’intérêt de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) pour la détection des ligaments intraforaminaux lombaires.
– Des méthodes novatrices de cartographie fasciale ont été présentées par Yunfeng Sun, Xiaoxiao Zhao et Carla Stecco.
Des sessions spécifiques ont exploré l’application de la recherche fasciale chez l’animal. Vibeke Elbroend, Tove Due ont présenté des nouvelles approches des lignes cinétiques myofasciales chez le chien et Mathilde Gad, Julie Mølbæk, Rikke Schultz, Vibeke Elbrønd une étude de la raphé latérale (situé dans la région inguinale laissant passage au cordon spermatique et au testicule) chez le chien et le cheval. Justyna Kalbarczyk et Tuulia Luomala ont évoqué le potentiel de la manipulation fasciale pour les problèmes d’ulcères chez les chevaux.

Les pratiques somatiques ont été particulièrement à l’honneur avec des sessions consacrées au rôle du système fascial dans le mouvement et la performance. Elles ont fait l’objet de communications lors des sessions matinales et d’ateliers pratiques sur le mouvement :
Karin Gurtner est intervenue sur les différents aspects de la recherche à une pratique multidimensionnelle.
Elizabeth Larkam a présenté la réjuvénation par oscillation pour les clients souffrant de COVID long.
Clare Frank a abordé le flux du mouvement des fascias et la stabilisation neuromusculaire dynamique.
Jo Phee a discuté de l’intérêt de la science pour l’étirement statique dans des pratiques comme le Yin Yoga, Bruna Petito et Chris Morita Clancy de la biotenségrité et la santé fasciale et Tina Wang et Rebecca Joyce l’approche fasciale pour l’hypermobilité.
Christopher Rodousakis a présenté des techniques de remodelage fascial par mécanostimulation.
Liza Kimble et Werner Klingler ont exposé la connexion entre les fascias et les traumatismes émotionnels à travers le tremblant neurogène.

Un certain nombre de praticiens ont effectué des démonstrations destinées à initier les participants à leurs approches :
Jill Miller avec une exploration de l’anatomie fasciale par la respiration, « Body By Breath » et Shannon Goossen avec des techniques neuro-myo-fasciales fonctionnelles.
Jill Miller par le Dialogue Diaphragmatique, reliant le fascia, la respiration et le système nerveux.
Angie Campbell, Laura Masserdotti avec leur initiation aux exercices ELDOA pour la tension fasciale globale et la santé articulaire.
Satya Sardonicus  avec une exploration de la résilience du système nerveux par la libération somatique.
Lisa Loiseau avec l’intégration de l’auto-libération myofasciale et des pratiques somatiques pour la santé transformatrice.
May Kesler a offert une expérience chorégraphique pour comprendre la fasciategrity.

Ce 7ème Congrès a été très riche avec nombres de présentations scientifiques de premier plan, de techniques de traitement spécifiques du système fascial, de propositions de collaborations et de perspectives de recherches et de d’applications thérapeutiques à venir. La prise en compte des fasciae comme système de transmission mécanique et comme médium de communication mécanobiologique du corps par la science, amorcée tout particulièrement par les travaux anatomiques de l’équipe de Carla Stecco, en biologie par celles de Neil Theise et Hélène Langevin commence à impacter l’ensemble des disciplines du vivant, y compris chez l’animal. C’est toute la vision du corps qui s’en trouve bouleversée, recomposant l’image que 500 ans d’anatomie envisageant l’organisme morcelé avait construit dans l’imaginaire scientifique d’homo sapiens.

Gageons que cette révolution fasciale se propagera aussi bien aux sciences fondamentales du vivant, qu’à la médecine et aux pratiques thérapeutiques pour que les pratiques manuelles et somatiques retrouvent la place centrale qui a été la leur dans les médecines antiques. Pour aboutir, cette révolution devra dépasser la simple prise en compte du système fascial et de ses espaces interstitiels comme supports matriciels de la vie cellulaire pour lui reconnaitre ses rôles de liaison mécaniques. Cette action dans la transmission et la régulation des signaux mécaniques implique de distinguer deux niveaux :
A l’échelle corporelle : le système fascial constitue un support neurologique et vasculaire avec la multitude des récepteurs disséminés ainsi que des gaines fasciales protectrices des nerfs et des vaisseaux artériels, veineux et lymphatiques. Ce qui justifie son implication essentielle dans la proprioception et la régulation neuro-végétative
A l’échelle microscopique :  le système fascial, dont les structures conjonctives servent de support aussi bien membraneux que liquidien aux cellules, constitue un véritable système de construction antigravitaire et de transmission des forces mécaniques entre les cellules.

Au final, ce système constitue le support physique et mécanique, véritable médium entre la vie corporelle et la vie cellulaire, permettant à nos cellules de construire des structures corporelles complexes. Ainsi les cellules comme le cerveau perçoivent les contraintes mécaniques, générées par la gravité qu’elles bravent pour résister aux pressions en milieu aqueux ou à l’écrasement dans un environnement aérien. La reconnaissance du système fascial comme système de communication mécanique, à l’instar des systèmes neurologique et hormonal, apparait dès lors incontournable afin de consacrer définitivement sa fonction anti-gravitaire.