Si le système fascial est au centre de l’attention de chercheurs de tous horizons, principalement en anatomie et en mécanobiologie, il est d’abord et avant tout un organe essentiel de notre corps. Intimement lié à notre peau, notre organe de contact, le fascia superficiel est au coeur de nos interactions avec l’environnement et le siège de nombreuses manifestations neurovégétatives consécutives à nos émotions. Nous supportons mal le contact de personnes inamicales, rougissons lorsque nous sommes émues par une situation embarrassante ou avons « les poils qui se dressent » lorsque nous réagissons à une scène stimulante.
Le fascia profond, lié à notre locomotricité, semble moins sensible à notre fonctionnement cérébral et psychique mais nombre de manifestations somatiques démontrent qu’il n’en est pas moins sensible à notre inconscient. Les tensions musculaires que nous ressentons lorsque nous sommes stressés, pressés dans notre vie quotidienne, le lumbago ou le torticolis dont nous soufrons après un évènement difficile sont autant de preuves de l’intrication entre notre psychisme et cet appareil locomoteur complexe… Plus insidieusement, de nombreux évènements que nous avons pu ressentir comme traumatiques laissent des traces dans la communication entre nos cellules neuronales et musculaires. Il est par exemple assez étonnant de ressentir une douleur identique à celle oubliée, occasionnée par un accident, lorsque tout à coup nous nous le remémorons. Mieux, le célèbre neurologue Oliver Sacks relate sa propre expérience traumatique (Sur une jambe – éditions Seuil) en racontant sa difficulté à se réapproprier sa jambe, alors que celle-ci est déclarée guérie par le chirurgien l’ayant opéré.
Car en effet, la majeure partie de nos fonctions cérébrales semblent avoir été à l’origine affectées à nos fonctions motrices, liées à notre exploration de l’environnement et ont été peu à peu « détournées » pour des fonctions d’abstractions. Une zone spécifique de notre cerveau, qui nous permet par exemple d’imaginer un mouvement que nous projetons de réaliser, est également activée lorsque nous imaginons une histoire et faisons preuve de créativité. Il nous est d’ailleurs tous arrivés de faire inconsciemment des mouvements avec nos membres lorsque nous parlons ou pensons à des actions que nous projetons ou que nous nous remémorons… Notre psychisme complexe humain s’est ainsi construit, sans que nous en soyons conscience, à partir de réseau neuronaux ancestraux qui restent connectés à notre corps et particulièrement à notre système myofascial.
Cette rubrique sera ainsi l’occasion de faire partager l’expérience de praticiens expérimentés qu’ils soient thérapeutes manuels, psychomotriciens, psychologues, qu’ils touchent le corps ou non. Tous auront en commun de faire réagir le corps de leurs patients et d’interagir avec eux afin d’interpréter ces réactions corporelles en les verbalisant. Ainsi ces manifestations corporelles nous deviennent moins étrangères et nous acceptons alors de les accueillir pour qu’elles réintègrent notre image corporelle positivement.